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GGG - Geo Graff Gaïa

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18 mars 2009

Au re-commencement

25 janvier 2009: Je me suis réveillée sans jamais me douter de ce que cette journée allait m'apportait. Sandrine se trouvait en Valais ce week-end là. J'étais seule et m'affairait à la cuisine en me suprenant à penser: "ça fait du bien d'être seule...". Je ne supportais plus ses remarques, son manque de patience, ses exigences démesurées à mon égard. Je me rendais bien compte que quelque chose clochait entre nous. Je m'en étais rendue compte bien plus tôt, lorsque nos activités de couples avaient totalement cessées en février 2008, soudainement, sans préméditation de notre part. Le petit quelque chose qui clochait avait ensuite pris de l'ampleur, sans que nous nous arrêtions de vivre... enfin sans qu'elle ne s'arrête de vivre. Moi je ne vivais plus depuis longtemps. J'avais juste oublié... je vivais en apnée depuis presque deux ans, me recroquevillant dans un coin de nos vies, à attendre qu'on applaudisse enfin pour entendre: "bravo, tu as fait quelque chose de bien aujourd'hui." Ce dimanche de janvier, je préparais mon fameux pot-au-feu pour lui faire plaisir... entre son nez humé et sa voix me dire: "oh tu as fait ta bonne soupe, merci!". Il s'agissait là de mes seuls moments de gloire de couple. Tous les autres lui revenaient de droit: Sandrine l'incroyable, Sandrine la parfaite, Sandrine qui sait tout, Sandrine qui apprend tout, etc. Je croulais sous la fatigue et le manque de reconnaissance... et ce dimanche-là, je me sentais bien, seule, dans ma cuisine, à cuisiner, astiquer,... 

Mes rêves de princesse se diluaient dans le seau de javel et depuis peu, je n'y pensais même plus. Je m'étais confortée dans l'idée que la vie suivait son cours... et que probablement, en tant que fille gay, je ne devais pas espérer un jour rencontrer quelqu'un qui me voit telle que j'apparais réellement, comme une fille, un être fragile, au besoin d'attention inconditionnel. Angie ne cessait de me rabacher que je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même et à l'image que je renvoyais... mais je lui répondais toujours froidement: "mais de toute façon, ma vie est avec Sandrine...".
Néanmoins, ce dimanche 25, cette affirmation se décomposa définitivement. Vers 21h10, Sandrine m'appela. Elle m'attendait sur le trottoir avec sa valise. Je n'avais pas l'envie de descendre... il faisait froid. J'enfilai donc rapidement un pull et dévalai les escaliers. Là, nous nous embrassâmes et j'empoignai sa grosse valise d'une main ferme et la plaçai en hauteur, sur mon épaule, comme je le faisais d'habitude. Sandrine me suivait me racontant son week-end, la famille, etc. Une fois dans l'appartement, elle courut s'asseoir pour me raconter la suite de son histoire... Tante Mado avait encore mis le feu au canapé...blabla... Je n'écoutais qu'à moitié, observant les vapeurs de ma soupe envahir la pièce. Après 20 minutes, Sandrine se leva pour se mettre en pyjama. Elle n'avait remarqué ni le rangement de l'appart, ni la soupe, ni mon air fatigué, n'avait posé aucune question sur mon week-end, mon verre avec Jérôme, non rien... Je serrai les dents, observai le froid qui gelait les routes dehors et me questionna plusieurs fois: "à quoi bon faire ta chiante ce soir... laisse couler, ça ira mieux demain...". Elle survint dans la cuisine en me demandant où j'avais rangé le nouveau tube de dentifrice... je me retournai alors en larmes en lui répétant: "j'en peux plus Sandrine... vraiment... j'en ai marre." Elle m'observa d'un air surpris. Un air que je comprends aujourd'hui. Après tout, tout allait bien pour elle, les jours passaient, elle possédait son petit train train heureux, allant de succès en succès. Et moi dans tout ça? je craquai... tout alla très vite. Dans mon discours confus, elle ne retint que le: "je ne veux pas de cette vie-là..." et s'énerva: "tu veux quoi à la fin? t'es jamais contente... tu ne fais pas d'efforts pour être heureuse?!? Tu ne travailles pas pour avoir ce que tu veux! Bas-toi un peu!". Je la regardai à bout de nerfs... si seulement elle pouvait comprendre... "me battre contre quoi?" Le bonheur n'est pas qu'une affaire d'acharnement personnel et de bulletin de notes... c'est aussi un peu d'attention, de soutien, d'amour... Je ne voyais rien de tout cela dans ma vie. Il n'y avait que pression, pression, efforts, pression... tout était allé trop loin. La voix d'Angie se faisait entendre dans ma tête: "réagis bordel! Fais quelque chose! Ca a assez duré et tu le sais au fond...". Je pris alors les bribes de courage qui se présentaient à moi et me lançai en terrain hostile: "je te quitte... je n'en peux plus tu comprends...". Sandrine se tue et me fixa. Je m'attendais à un ultime retournement de situation, un dénouement heureux du genre elle se rendit compte de combien elle l'aimait et s'excusa profondément de toute cette souffrance causée. Je priai une dernière fois au pied de ma falaise, mais les mots que Sandrine prononça ensuite me poussèrent dans le vide d'un coup sec et assuré: "non, c'est moi qui te quitte...". A cette déclaration, je cessai de pleurer. Je ne dis rien. Seule l'eau de la soupe bouillissait grossièrement. Nous restâmes silencieuses. Je me sentis alors étrange, l'âme légère... partagée entre soulagement et tristesse. Tout cela était-ce réel? Je vis les yeux de Sandrine s'emplirent de larmes, elle qui ne pleurait jamais... elle se retourna, reprit sa valise, me regarda une dernière fois en m'annonçant qu'elle allait chez Clémence. Je ne répondis pas, paralysé par la stupeur. Devais-je l'empêcher de partir? m'excuser? je ne fis rien... comme rappelé par cet étrange soulagement, que je voulais voir durer. J'observai Sandrine s'éloigner dans la rue et j'entendis ses pleurs dans la nuit, sa voix s'écraser dans le vent... j'eus mal, très mal.

Ce soir-là, je la perdis, définitivement... et je me retrouvai dans mon entièreté. 

 

Deux mois se sont écoulés aujourd'hui... Sandrine n'est jamais revenue, ma nervosité, mes pleurs et mes angoisses non plus. J'ai recommencé à fumer, à boire et accessoirement à m'amuser. Je fais quelques idioties, j'ai des histoires bizarres, avec des gens bizarres, mais je vis... J'ai été étonnée de voir comment les gens avaient applaudi ma décision, applaudi la personne qu'ils avaient sous les yeux. Certains avaient même attendu ce moment pour enfin pouvoir me connaître, m'aborder, discuter... Depuis deux mois, je passe mes soirées à lire et relire mon journal, décortiquant chaque élément de ma relation passée et m'étonnant de ma non réaction de l'époque et de l'absurdité de certaines situations... En recroisant Sandrine, j'ai découvert qu'elle se sentait moins sûre d'elle, plus vulnérable et qu'elle voyait même en moi quelqu'un de taille, une rivale. Je n'ai pas vraiment compris ce point de vue, mais je l'ai apprécié, car pour la première fois, elle voyait en moi quelqu'un de challenging, face à qui, elle ne se sentait pas de taille. Elle parlait là bien sûr des filles... elle me menaça d'ailleurs plusieurs fois, par mail, par téléphone. Elle me déconseilla de m'inscrire sur les mêmes sites de rencontres qu'elle, afin de lui laisser "un peu d'espace"... elle intervint dans les soirées pour m'empêcher de parler à telle ou telle autre fille, parfois crûment. Parfois je l'écoutais, parfois pas... Mais peu importe, je me sens é présent à nouveau quelqu'un. J'ai à nouveau confiance en moi, en mes capacités. Je ne comprendrai jamais comment j'en suis venue à me dénigrer, à croire que j'étais moins bien, moins intelligente, mon gentille, moins jolie que d'autres... je ne comprendrai jamais comment elle est arrivée à faire de moi cette personne. Je crois que je ne veux pas savoir, parce qu'au fond, savoir ça, c'est posséder le pouvoir de manipuler... et je ne pense pas en avoir ni l'envie, ni le besoin...

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25 novembre 2008

Au commencement...

"Ne sous-estimons pas la temps." C'est ce que je me suis dit lorsque J. Llaf nous a distribué nos polycopiés sur lesquels on trouvait inscrits en grands imprimés "Projet de recherche - méthodes géographiques". Je connaissais bien ces mots. Il n'y avait là rien de très neuf à découvrir contrairement à ce qui pouvait encore être le cas de mes camarades. Moi je connaissais ces termes, enfin, du moins les trois premiers - "projet de recherche". Je savais ce qu'ils cachaient et combien ils allaient faire suer ma matière grise.
Un an auparavant, Sandrine se trouvait à ma place, une interrogation en tête: qu'est-ce qu'un projet de recherche? Ainsi, une année auparavant, je découvrais la signification de ce mystérieux titre en même temps qu'elle.
J'ai alors vite compris son importance, son sens décisif et ceci peu importe le département: géographie, science po, socio, histoire éco, etc. Il faisait trembler tous ceux qui s'y collaient et ce jour-là, je vis Sandrine trembler. Elle, qui ne tombe jamais, je la regardais s'acharner sur ses brouillons, ses livres, les normes bibliographiques, SPSS, les mails au milieu de la nuit au prof, le café renversé sur le lyno de la cuisine et moi au milieu de tout ça, le regard vide et rassuré: "ce n'est pas encore mon tour."

Aujourd'hui, je relis ces mots sur la page de couverture turquoise pastelle du polycopié, à présent mien. Je crains le pire, l'échec, le manque d'inspiration, la procrastination, l'ignorance. Je crains J. Llaf et ses mots: "respectez les délais!". R-E-S-P-E-C-T-E-Z  L-E-S  D-E-L-A-I-S! Ces mots qui font peur. Je tressaille et me replace sur ma chaise. Je pense: "je n'ai jamais respecté aucun délai, si ce n'est mon anniversaire qui, en fait, passe tout seul d'un âge à l'autre...".

J'ai peur de mourir au cours d'une nuit trop longue, dont la durée estimée par mes soins, surpasserait de loin la réalité. C'est malheureusement trop souvent à 6h du mat' qu'on se rend compte qu'en fait on pourra pas lire encore 150 pages en Anglais d'un livre qu'on a trouvé vite fait à 21h à la biblio, après le verre avec les potes au Calamar.

Je crois que je fixe J. Llaf. Je crois qu'elle sait ce que je pense.  Mais voilà qu'en moins de trois minutes, je ne pense plus à mon corps mourrant sur la table en verre de la cuisine. Au contraire, je m'imagine déjà au travail, allant de bibliothèque en bibliothèque en un temps record, lisant mes pavés en moins d'un mois et en écrivant le projet comme une machine en 3 semaines et demies. Février approche, ce serait fini. Mon projet posé soigneusement sur l'étagère imitation bouleau du corridor. Mon projet est fini.  Fini, fini, fini,  fi....

La règle de Thomas vient de s'écraser lourdement sur le sol. Elle ne descendra pas plus bas, mais moi si. Surtout si je ne travaille pas. Je sais parfaitement qu'en février, il n'y aura pas de petit projet tout bien fait posé sur l'étagère du corridor. Il n'y aura là que ce maudit polycopié, posé comme s'il n'existait pas, encore neuf, sans pli et moi dans la pièce voisine, sans remords... 

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